« Il faut toujours penser au sepsis dans le contexte de l'infection. »
Par la rédaction de bioMérieux | Temps de lecture : 2 min
Les associations de patients du monde entier s'emploient activement à promouvoir ce message essentiel auprès des professionnels de la santé et du grand public. Nous avons rencontré le Docteur Rafael Moraes de l'ILAS, Melissa Mead du UK Sepsis Trust et Thomas Heymann de Sepsis Alliance pour en savoir plus sur leurs actions.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, on compte chaque année environ 49 millions de cas de sepsis dans le monde et 11 millions de décès liés au sepsis. Malgré son incidence et sa létalité élevées, le sepsis reste largement méconnu du grand public. « La plupart des infections sont simples et peuvent être traitées en milieu extra-hospitalier » explique le Docteur Rafael Moraes, directeur de ILAS, l'Institut latino-américain du sepsis (Brésil). « Cependant, une infection peut parfois déclencher une réaction immunitaire extrême qui entraîne un dysfonctionnement d'organes. »
Une étude réalisée aux États-Unis montre que 87 % des cas de sepsis sont d'origine communautaire. « Citons par exemple les infections urinaires, les enfants dont les coupures s'infectent, les abcès dentaires, etc. » explique Thomas Heymann. « Le sepsis peut évoluer très rapidement. Il est important que le public comprenne qu'il y a peut-être plus qu'une infection et qu'il doit consulter. » Il s'agit d'une priorité pour les trois associations.
En 12 ans, le UK Sepsis Trust a réussi à sensibiliser le public au sepsis dans le pays ; ainsi, 91 % des personnes savent ce qu'est le sepsis contre 27 % auparavant. Ce grand succès montre vraiment qu'avec des efforts coordonnés, il est possible de sensibiliser le public à des problèmes essentiels de santé publique et ainsi sauver des vies. En revanche, à l'échelle mondiale, la majeure partie du travail reste à faire
Une enquête réalisée aux États-Unis par Sepsis Alliance en 2022 montre que la moitié des premiers intervenants sont très peu sensibilisés à l'identification d'un patient atteint de sepsis et n'ont pas la capacité de le faire. Thomas Heymann, président de Sepsis Alliance, explique : « Je connais un médecin de famille qui est devenu un défenseur de la sensibilisation au sepsis, après avoir failli perdre son propre fils parce que le sepsis ne faisait pas partie des points qui attiraient son attention. »
La sensibilisation et l'éducation sont essentielles pour lutter contre le sepsis
Le diagnostic du sepsis est un enjeu considérable. Ce syndrome se caractérise par une réaction immunitaire extrême à la suite d'une infection, entraînant la défaillance d'un organe. La formation des professionnels de la santé dans toutes les spécialités est décisive et l'ILAS, le UK Sepsis Trust et Sepsis Alliance participent activement à cette action.
Les enjeux sont très importants. « Si nous diagnostiquions plus tôt les patients atteints d'infections », souligne le Docteur Moraes, « nous pourrions sauver environ 100 000 vies chaque année, rien qu'au Brésil ».
Le sepsis a des conséquences importantes pour les patients, les familles et la société dans son ensemble
Aux États-Unis, le sepsis tue aujourd'hui plus d'enfants que le cancer. Parmi les patients survivants, deux sur cinq doivent être réhospitalisés dans les 90 jours. Les survivants présentent souvent des séquelles physiques et psychologiques (dépression ou syndrome de stress post-traumatique par exemple) qui les affectent eux-mêmes mais aussi leur famille.
Au-delà des répercussions sur la santé publique, le sepsis constitue un fardeau économique important, coûtant au NHS entre deux et trois milliards de livres sterling par an et à l'économie au sens large environ 15 milliards de livres sterling. « Il s'agit de survivants qui ont perdu des membres, qui ont subi de profonds traumatismes et qui ne peuvent pas reprendre le travail. Mais ce sont aussi des personnes comme moi qui ont perdu un enfant et qui se retrouvent dans l'incapacité de travailler pendant un certain temps » explique Melissa Mead, coordinatrice clinique de The UK Sepsis Trust.
L'antibiorésistance complique davantage la lutte contre le sepsis
« Selon un sentiment largement répandu, nous avons des antibiotiques donc, en cas d'infections, nous sommes en sécurité » dit le Docteur Moraes. « Cependant, chaque fois que nous exposons des bactéries à des antibiotiques, elles tentent de développer une résistance pour survivre. »
Selon une étude récente, 39 millions de personnes pourraient mourir d'infections antibiorésistantes dans les 25 prochaines années. « Les patients atteints de cancer ou de mucoviscidose, qui dépendent régulièrement des antibiotiques, n'ont plus de médicaments qui peuvent les maintenir en vie. C'est incroyablement réel » explique Thomas Heymann. « . Imaginez que vous ayez un feu de cuisine, que vous preniez l'extincteur et qu'il ne fonctionne plus. Vous n'avez d'autre choix que d'espérer en priant pour que le feu s'éteigne de lui-même. »
Le message est donc clair : il faut éviter l'usage abusif et la surconsommation d'antibiotiques. Il faut utiliser des outils de diagnostic qui permettent de mieux identifier le bon moment pour utiliser un antibiotique et d'identifier le bon antibiotique.
La normalisation des soins peut contribuer à la lutte contre le sepsis et l'antibiorésistance
Les processus et protocoles normalisés font partie de la solution. Le UK Sepsis Trust aide les hôpitaux à mettre en œuvre des principes directeurs opérationnels en matière de sepsis et de bon usage des antibiotiques. Une approche normalisée dans tout le pays, the National Early Warning Score ou NEWS, aide à identifier la dégradation aiguë et à prendre des décisions en matière de traitement.
Aux États-Unis, Sepsis Alliance a travaillé avec une famille de l'État du Maryland pour faire adopter la Lochlin's Law. Elle exige que chaque hôpital et centre de soins d'urgence mette en œuvre un protocole fondé sur des données probantes pour la détection précoce et le traitement d'un patient atteint de sepsis, de sepsis grave ou de choc septique. « Malheureusement, il a fallu la mort d'un petit garçon de cinq ans pour parvenir à ce résultat » regrette Thomas Heymann. « Il a été emmené aux urgences par sa famille à qui on a dit que ce n'était qu'une grippe. Il est décédé 12 heures plus tard à l'hôpital. Si un diagnostic avait été établi, Lochlin serait encore en vie. »
Au Brésil, plus de 450 hôpitaux participent à un programme d'amélioration de la qualité parrainé par l'ILAS. « Nous offrons un logiciel gratuit à ces hôpitaux pour qu'ils puissent analyser leurs données et nous leur donnons un retour d'information sur les points à améliorer » explique le Docteur Moraes. « La bonne nouvelle, c'est que l'antibiorésistance n'est pas un problème sans issue. Nous savons ce qu'il faut faire. Nous devons maintenant le faire. »
Si ça peut être moi, ça peut être vous - L'histoire de Melissa
« En 2014, mon fils d'un an est mort du sepsis. Et nous ne savions même pas ce que c'était. William a eu une pneumonie et a malheureusement développé un sepsis. Chaque fois que je l'ai emmené voir un médecin, on nous a dit qu'il s'agissait d'un virus et on nous a renvoyés chez nous. Il n'y a eu ni diagnostic ni antibiotiques.
William est décédé à la maison. La première fois que j'ai vu le mot « sepsis », c'était sur son certificat de décès. J'ai consulté Internet pour savoir ce que c'était et j'ai vu une liste de tous les symptômes qu'il avait présentés. Mais les médecins n'avaient même pas pensé au sepsis !
Si mon fils avait pu bénéficier d'une prise de sang ou d'un diagnostic rapide, il serait probablement en vie aujourd'hui. C'est pourquoi je me suis jointe au UK Sepsis Trust pour sensibiliser l'opinion publique. »
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