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DATE DE PUBLICATION : 9 AVRIL 2024

Nous avons demandé au Docteur Catherine Duggan, Directrice Générale de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP) ce que les pharmaciens cliniciens peuvent faire, dans le cadre de leur fonction, pour contribuer au bon usage des antibiotiques et le promouvoir. 
 

Docteur Catherine Duggan, Directrice Générale de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP)

 

Par quels moyens novateurs les praticiens des sciences pharmaceutiques peuvent-ils préserver les antibiotiques actuels et futurs ?

La pharmacie est une véritable profession scientifique qui se distingue par son engagement en faveur de pratiques fondées sur des preuves. Leur rôle va bien au-delà de la délivrance de médicaments : ils remplissent une fonction capitale dans la recommandation de bonnes pratiques pour la santé, l'usage prudent des antibiotiques, l'information des patients en matière d'observance thérapeutique et la collaboration avec les équipes de soins de santé afin d'optimiser les résultats des traitements.

Cependant, la réussite des programmes de bonne gestion des antibiotiques dans les collectivités et les hôpitaux implique une collaboration entre les professionnels de santé, notamment les médecins, les pharmaciens, les infirmières, les microbiologistes, etc. Le programme « Cercles de qualité médecins-pharmaciens pour la prescription », en Suisse, peut être un bon exemple d'une telle collaboration. Dans le cadre de ce programme, les pharmaciens et les médecins examinent régulièrement les données scientifiques, cliniques, thérapeutiques et économiques afin de garantir des soins optimaux aux personnes. Ils les comparent à leurs modes de prescription actuels et discutent des éventuels écarts par rapport à la pratique fondée sur des preuves. Autre programme, le suédois SWEDRES qui vise à présenter dans un rapport commun des données concernant les ventes d'antibiotiques et l'antibiorésistance, à la fois chez l'homme et chez l'animal. Ces modèles ont démontré les répercussions de la prescription rationnelle d'antibiotiques et illustrent la puissante synergie des activités interprofessionnelles.

Les pharmaciens de l'équipe responsable du bon usage des antibiotiques interviennent au quotidien pour préserver les antibiotiques. Le développement de nouveaux antibiotiques demeurant un véritable défi. Promouvoir une culture d'apprentissage continu et de sensibilisation à l'usage responsable des antibiotiques reste primordial. Les laboratoires pharmaceutiques ont un rôle à jouer, notamment en fournissant aux pharmaciens de première ligne des informations sur les derniers progrès dans le domaine des antibiothérapies. Aussi, les laboratoires pharmaceutiques peuvent exercer une influence significative en accordant des subventions pour soutenir les interventions des pharmaciens en faveur du bon usage des antibiotiques, de la recherche et de l'utilisation de tests de diagnostic rapide, afin d'améliorer les perspectives pour les patients. 

 

Quel rôle les diagnostics et les technologies de l'information joueront-ils pour garantir un usage correct des antibiotiques et freiner la progression de la résistance ? Quelles stratégies peuvent être légitimement mises en œuvre pour garantir l'accès des pharmaciens, des scientifiques et des éducateurs aux différentes communautés et industries ? 

La première étape consiste à établir un diagnostic. Les diagnostics présentent un fort potentiel pour aider les praticiens à établir un diagnostic précis, puis un traitement adapté, tout en conservant le principe de l'usage prudent des antibiotiques. Cependant, les résultats doivent être interprétés avec prudence. Par exemple, en cas d’infections des voies urinaires, la colonisation des voies urinaires par les bactéries ne requière pas toujours une antibiothérapie. Les tests de diagnostic rapide sont essentiels mais, en l'absence de programmes de bon usage des antibiotiques, ils peuvent n'avoir que peu voire pas d'effet du tout sur la prise en charge des patients. La FIP plaide en faveur de l'utilisation de tests de diagnostic rapide et des stratégies de bon usage des antibiotiques. La documentation de leurs effets sur le délai de mise en place d'une antibiothérapie efficace contribuerait à informer et à renforcer les actions de sensibilisation.

De plus, l'utilisation des technologies de l'information peut contribuer à la détection précoce des effets indésirables et des signes avant-coureurs d'infections, ainsi qu'à l'amélioration du suivi de la surveillance et des déclarations dans le cadre de la pharmacovigilance. Les systèmes informatiques sont essentiels dans la mise en place de mécanismes robustes de surveillance des antibiotiques et dans l'amélioration des actions de pharmacovigilance visant à contrôler l'usage de ces antibiotiques. L'utilisation de bases de données sur les soins de santé et l'analyse de volumes considérables de données sur les patients, de dossiers médicaux électroniques et de modes de prescription peuvent faciliter l'identification de tendances inhabituelles ou de profils indiquant des événements indésirables précoces liés à l'usage d'antibiotiques. Grâce au suivi en temps réel des réactions des patients aux antibiotiques, les professionnels de santé peuvent détecter rapidement les éventuelles réactions ou complications inattendues. La détection précoce des profils de résistance permet de prendre des mesures par anticipation, comme l'ajustement des pratiques de prescription ou la mise en œuvre d'interventions ciblées pour freiner la progression de la résistance.

Les systèmes de déclaration électronique optimisent la communication entre les professionnels de santé et les organismes chargés de la réglementation, garantissant ainsi une réponse rapide aux potentiels problèmes de sécurité. De plus, la FIP préconise que les pharmaciens aient accès au dossier médical (électronique) des patients afin de faciliter la prise de décision en connaissance de cause et d'améliorer l'observance.

Les technologies de l'information peuvent également contribuer au changement de comportement. Par exemple, dans certains hôpitaux africains, des applications de santé mobile guident les praticiens dans le bon usage des antibiotiques. Les pharmaciens doivent continuer à collaborer avec les scientifiques et les éducateurs au sein de différentes communautés afin de garantir un usage et un développement corrects des antibiotiques et de freiner la progression de la résistance ; les technologies pourront se révéler très utiles à l'avenir.

 

Selon vous, quels sont les obstacles interprofessionnels et organisationnels susceptibles d'accompagner l'élargissement du champ d'activité des pharmaciens dans le domaine de l'antibiorésistance ?

Il existe évidemment des obstacles à l'élargissement du champ d'activité des pharmaciens. Cependant, la FIP travaille activement à leur suppression. Nous avons constaté d’énormes progrès dans la vaccination effectuée par les pharmaciens, ce qui contribue directement à la lutte contre les infections, à leur prévention et, par conséquent, à la réduction de l'antibiorésistance. Nous avons observé que, malgré une tendance mondiale accrue à autoriser les pharmaciens à vacciner, plusieurs obstacles subsistent à l'échelle mondiale, notamment des contraintes réglementaires, l'opposition d'autres professions de santé et l'absence d'incitations et de rémunérations adaptées pour un service de santé publique, source d'économies pour les patients et les systèmes de santé.

Dans le domaine de la santé mondiale, la FIP soutient sans relâche qu'il est possible de sauver beaucoup plus de vies en augmentant la couverture vaccinale et l'accès aux vaccins, ce qui ne peut être amélioré que par une approche globale, tout au long de la vie, impliquant des efforts soutenus de la part de tous les acteurs de la vaccination. La FIP soutient ses membres et demande instamment aux décideurs politiques de promouvoir et d'élargir le rôle des pharmaciens dans la vaccination. La préconisation et la communication centrée sur le patient, aux niveaux interprofessionnel et organisationnel, sont très importantes pour réduire les obstacles à l'élargissement du champ d'activité des pharmaciens en matière d'antibiorésistance. En tant qu'organisation de pharmaciens, la FIP dispose d'une plateforme unique. Nous sommes en mesure de collaborer avec des médecins et d'autres collègues afin de leur garantir notre capacité à contribuer collectivement à la lutte contre l'antibiorésistance.

Les avis exprimés dans cet article ne sont pas nécessairement ceux de bioMérieux.

 

 

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