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DATE DE PUBLICATION : 6 juin 2022

Parole d’expert : Esmita Charani, PharmD, PhD - Senior Lead Research Pharmacist à l'Imperial College London et Adjunct Professor à l'université Amrita Vishwa Vidyapeetham en Inde

Comme nous l'a appris la pandémie de COVID-19, les micro-organismes ne connaissent pas de frontières. Face à l'antibiorésistance, un autre défi défi d’ampleur mondiale, il est nécessaire de mettre en place des interventions pour favoriser lebon usage des antibiotiques et contribuer à freiner l'apparition et la propagation de bactéries antibiorésistantes au bénéfice des patients.

Nous nous sommes entrenu à distance avec le Docteur Esmita Charani, Senior Lead Research Pharmacist à l'Imperial College de Londres et Adjunct Professor à l'université Amrita Vishwa Vidyapeetham en Inde, pour savoir ce que ses recherches sur les différents contextes à l’échelle mondiale en matière de  bon usage des antibiotiques (Antimicrobial Stewardship ou AMS) peuvent nous apprendre sur l'importance de l'équité des ressources et les nombreux défis auxquels les pays sont confrontés dans la lutte contre l'antibiorésistance. 

 

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Comprendre les obstacles au bon usage des antibiotiques

Les recherches du Docteur Charani se sont basées sur un cours ouvert en ligne (MOOC) .L’équipe d'experts internationaux a recueilli les avis de 3000 apprenants de 114 pays afin de mieux comprendre les obstacles qui les empêchent d'accéder  aux programme d’AMS. Le Docteur Charani explique que les difficultés les plus fréquentes sont l'absence de prise en compte des professionnels de santé, comme les infirmières et les pharmaciens, dans les initiatives, l'insuffisance des ressources et le manque d'éducation, de sensibilisation et d'engagement du public. L'absence de formation oblige souvent les responsables de ces programmes au sein de leur organisation à improviser.

Les défis du bon usage des antibiotiques peuvent être encore plus grands dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. Pour ralentir l'apparition et la propagation des pathogènes antibiorésistants, il est essentiel de comprendre les facteurs socio-économiques à l'origine des maladies dans les populations mondiales. Comme l'explique le Docteur Charani, dans les régions à faibles ressources, une grande partie de la population n'a pas accès à des soins de santé satisfaisants, ce qui accroît la probabilité de mauvaise santé. Ce manque d'accès est particulièrement marqué pour le diagnostic, ce qui entraîne des difficultés supplémentaires pour définir le traitement adapté aux patients et suivre les maladies infectieuses.

« dans de nombreux pays, les patients ont un accès direct aux antibiotiques sans ordonnance ni surveillance d'un professionnel de santé, évitant ainsi l'étape essentielle que constitue le diagnostic pour l'administration d'un traitement adapté. »

Un des principaux facteurs d'apparition et de propagation de l'antibiorésistance est le mauvais usage et la surconsommation d'antibiotiques. Le Docteur Charani fait remarquer que, dans de nombreux pays, les patients ont un accès direct aux antibiotiques sans ordonnance ni surveillance d'un professionnel de santé, évitant ainsi l'étape essentielle que constitue le diagnostic pour l'administration d'un traitement adapté. Bien que ce type d'usage des antibiotiques ne soit pas le principal facteur de consommation d'antibiotiques dans le monde, les antibiotiques ne peuvent remplacer les compétences et les outils de diagnostic dont disposent les professionnels de santé. Les patients privés d'accès aux soins de santé courent un risque beaucoup plus élevé d'être atteints de problèmes de santé.

Outre l'accès aux soins de santé, les habitants des pays à revenus faibles et intermédiaires sont souvent confrontés à toute une série de problèmes environnementaux, comme l'eau insalubre, qui viennent s'ajouter aux problèmes de santé. Cet éventail complexe de problèmes qui jalonnent le paysage des maladies infectieuses met en évidence la nécessité d'une approche « One Health » de la gestion et des soins aux patients. Une façon de contribuer à une telle approche, selon le Dr Charani, consiste à plaider pour une plus grande équité dans la disponibilité des ressources et des soins entre tous les pays.

Mise en œuvre d'interventions efficaces de bon usage des antibiotiques

Le Docteur Charani explique qu'une vision mondiale est capitale pour l'élaboration de plans de bon usage des antibiotiques. Lors de la réflexion sur les interventions, il est essentiel de comprendre où la charge de morbidité est la plus forte et où les ressources sont les plus limitées. Les interventions doivent tenir compte du lieu, du statut socio-économique variable des établissements de santé et de la diversité des populations. “Si nous ne sommes pas en mesure de traiter et de gérer l'antibiorésistance dans ces cadres, nous ne pourrons y faire face nulle part. Il s'agit de travailler à des solutions plus équitables" explique le Docteur Charani. Les objectifs des programmes d’AMS doivent également garantir que des acteurs autres que les médecins prescripteurs soient impliqués dans les plans d'optimisation de l'usage des antibiotiques, notamment les professionnels de laboratoire, les pharmaciens, le personnel infirmier et le public.

Selon le Docteur Charani, la collaboration, la répartition équitable des ressources et, surtout, la mise à profit des compétences des chercheurs des pays à revenus faibles et intermédiaires sont les clés pour surmonter les obstacles au bon usage des antibiotiques.

“Dans ces régions du monde, de nombreuses compétences ne sont pas utilisées au maximum de leur potentiel dans la recherche que ce soit sur les maladies infectieuses ou d’autres domaines" fait-elle remarquer. Ces personnes connaissent souvent très bien les difficultés que rencontrent leurs pays lorsqu'ils tentent de mettre en place une gestion responsable des antibiotiques et elles peuvent contribuer à orienter les politiques en vue d'une amélioration ciblée dans ces contextes. En outre, des stratégies comme l'alliance avec les universités, la recherche, l'interconnexion avec les responsables des orientations politiques et les campagnes à destination du public peuvent toutes soutenir les efforts mondiaux de lutte contre l’antibiorésistance.

La lutte contre l'antibiorésistance nécessite une approche unifiée qui tient compte de la charge de morbidité dans tous les pays, ainsi qu'une évaluation des ressources et des outils disponibles, notamment en matière de diagnostic. L'allocation équitable des ressources (par le biais de l'éducation, de financements, de politiques et de médicaments efficaces) est une composante essentielle de la lutte contre l'antibiorésistance à l'échelle mondiale. “Nous devons veiller à collaborer les uns avec les autres à l'échelle mondiale sur cette question" explique le Docteur Charani, "à apprendre les uns des autres et à nous soutenir mutuellement pour pouvoir mettre en œuvre des interventions durables.”

 

Les avis exprimés dans cet article ne sont pas nécessairement ceux de bioMérieux. 


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